mercredi 19 février 2014

Le Réseau d’Action Sur les Armes Légères en Afrique de l’Ouest demande la ratification du Traité sur le Commerce des Armes par tous les Etats de la CEDEAO



Réunies à Abidjan (Côte d’Ivoire) les 12 et 13 février 2014, les représentations nationales du Réseau d’Action Sur les Armes Légères en Afrique de l’Ouest (RASALAO), soutenu par le gouvernement du Royaume Uni, ont lancé un appel à la ratification du Traité sur le Commerce des Armes (TCA) par les Etats membres de la Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Adopté par les Nations Unies lors d’une conférence spéciale le 2 avril 2013 après une lutte menée par la société civile internationale, la cérémonie officielle de signature du TCA est intervenue  le 3 juin 2013 au siège des Nations Unies. Beaucoup de pays, dont le Burkina Faso, l’ont signé le jour même. Cependant, parmi les 117 pays qui l’on signé présentement, 9 seulement l’ont ratifié dont le Mali et le Nigéria en l’Afrique de l’ouest. Or, pour que le TCA entre en vigueur, il faut 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification auprès des Nations Unies. Les Etats de la CEDEAO sont en bonne posture à cause de l’existence de la Convention CEDEAO sur les Armes Légères et de Petit Calibre. En outre, il est plus que jamais nécessaire de faire du contrôle des armes une priorité dans cette sous-région marquée par des conflits armés et la présence terroriste. C’est la raison pour laquelle ici à Abidjan, une interpellation a été faite à l’ensemble des Etats de la CEDEAO par rapport à la ratification du TCA.



Pourquoi les Etats de la CEDEAO doivent-ils ratifier le TCA ?

Le TCA est une règlementation et non une interdiction totale en matière de transfert d’armes entre Etats. L’article 2 (3) du TCA précise en effet que : « Le présent Traité ne s'applique pas au transport international par tout État Partie ou pour son compte d'armes classiques destinées à son usage, pour autant que ces armes restent sa propriété ». De ce fait, il n’y a aucune contradiction avec le « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective » qu’ont les Etats.

La ratification du TCA est un acte de bonne foi en ce sens que le TCA renforcera les dispositions juridiques déjà existantes et applicables par les Etats de la CEDEAO. Les Articles 6  et 7 du TCA insistent sur le respect par les Etats des « obligations résultant de mesures prises par le Conseil de sécurité », ainsi que celles « résultant des accords internationaux pertinents ». Ils invitent également les Etats à tenir compte des risques de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme avant toute décision d’exportation d’armes.   

La ratification du TCA renforcera le contrôle de la circulation d’armes dans l’espace CEDEAO. Entrée en vigueur le 29 septembre 2009, la Convention CEDEAO sur les Armes Légères et de Petit Calibre, leurs munitions et autres matériels connexes, est le signe de la prise de conscience dans l’espace CEDEAO de la nécessité de limiter le flux d’armes par un contrôle strict. L’objet du TCA étant les armes classiques, l’application des règles prévues permettrait d’élargir le champ de contrôle sur beaucoup d’autres catégories d’armes aussi nuisibles que les armes légères et de petit calibre.  

La ratification du TCA participera à la promotion de la sécurité, de la paix et du développement dans l’espace CEDEAO. Dans le préambule de la Convention CEDEAO sur armes légères et de petit calibre il est mentionné ce qui suit : "la prolifération des armes constitue un facteur déstabilisant pour les Etats membres de la CEDEAO et une menace pour la paix et la sécurité de nos peuples". On dénombre environ 7 millions d’armes légères en circulation en Afrique de l'Ouest, dont 77.000 sont détenues par les groupes armés ouest-africains. Ces armes alimentent et exacerbent les conflits, sapant les efforts de sécurisation et de développement dans l’espace CEDEAO.

La ratification du TCA contribuera à réduire les souffrances des populations. Les Africains souffrent énormément du commerce irresponsable des armes. En espace de deux décennies, le nombre de victimes causé par l’utilisation des armes  est estimé à 3 000 000. Chaque jour, des millions de personnes souffrent des conséquences directes et indirectes de la prolifération incontrôlée des armes. Des milliers sont tuées, d’autres sont blessées, et beaucoup de femmes sont violées. Des familles entières sont obligées de fuir leurs maisons, alors que de nombreuses autres, encore, vivent sous la menace permanente des armes.

Le Mali et le Nigéria sont allés jusqu’au bout en franchissant le pas. Le Burkina Faso est en phase de le faire également avec l’adoption en Conseil de Ministres, de son avant-projet de loi de ratification du TCA en décembre 2013. Le RASALAO se félicite de ce processus en Afrique de l’ouest, mais urge l’ensemble des 13 autres Etats membres de la CEDEAO à ratifier le TCA.

lundi 10 février 2014

« Café du monde » sur les droits sexuels et reproductifs avec les jeunes à Bobo Dioulasso



En Afrique, et plus particulièrement au Burkina Faso, parler de la sexualité et de la reproduction demeure encore un tabou. Il n’y a pas de programme d’éducation efficace en la matière, et les jeunes gens apprennent les choses dans le tas, parfois à leurs dépens. Les femmes et les jeunes filles subissent en grande partie les conséquences liées aux difficultés d’accès à l’information, à l’éducation et aux services en matière de sexualité et de la reproduction. A cela, s’ajoutent les pratiques sociales et culturelles qui empêchent les femmes de jouir de leur droit légitime à l’autonomie sur propre corps. Cela est d’autant plus vrai pour les femmes et les jeunes filles qui vivent en milieu rural, où la tradition est plus vivace. Depuis 2010, Amnesty International aborde cette question dans le cadre de sa campagne en faveur du droit à la santé maternelle, montrant le lien entre la violation des droits sexuels et reproductifs et le taux élevé de décès maternels au Burkina Faso. 

Le « Café du monde » organisé pour les jeunes à l’Institut Français de Bobo le 1er février participe non seulement de cette dynamique de lutte contre la mortalité maternelle, mais avait pour objectif spécifique de donner un plateau d’échanges aux jeunes pour plus de maîtrise des enjeux liés aux  droits sexuels et reproductifs. Ainsi, utilisant la stratégie et les techniques du « Café du monde », la quarantaine de jeunes participants a examiné et analysé la question des droits sexuels et reproductifs sous l’angle de leur pertinence et de leur importance dans la promotion des droits humains de façon générale. Ils ont aussi réfléchi et proposé des méthodes et des stratégies de communication avec les jeunes, afin de parvenir à l’information et à l’éducation de ceux-ci sur les droits sexuels et reproductifs. Face à la satisfaction des jeunes lors de ce « Café du monde », et la pertinence de la campagne de promotion des droits sexuels et reproductifs exprimée, Amnesty International Burkina Faso s’engage à multiplier les cadres de rencontres de jeunes autour de cette question partout au Burkina.   Cette action se focalisera sur la discrimination liée au genre qui remplace le choix libre des femmes par des décisions masculines, en requérant un accord préalable de la famille et du mari pour l’accès à la contraception. 

Ce travail faut-il le rappeler, est la suite logique d’une longue lutte inachevée visant l’émancipation des femmes. En effet, dans le cadre de la campagne contre les violences faites aux femmes, il est aussi crucial de s’opposer aux atteintes aux droits liés à la sexualité et à la reproduction. L’autonomie de la femme ou l’égalité genre tant énoncée ne peut se réaliser que si les femmes peuvent aussi décider librement de leur propre corps, notamment le moment, le nombre d’enfants, et surtout avec qui, elles désirent les avoir. C’est juste un combat pour la liberté et l’égalité ! Isabelle Finkel, psychologue au planning familial « Aimer jeune » de Bruxelles le rappelait en ces termes : « Les droits sexuels et reproductifs, c’est le droit à l’accès à l’information, à l’accès à la contraception — qui me semble primordial, pour pouvoir choisir : est-ce que je veux une grossesse ? C’est le droit d’avoir une vie sexuelle ou des rapports sexuels parce qu’on le désire et pas parce que c’est dicté par des lois familiales ou religieuses. C’est ramener ce choix-là, cette décision-là, à l’individu, et pas à la famille ou à la société ou à la religion ».